
6 février > 11 avril 2021
Un Monde minéral

« Un jour
Nous nous retrouverons
Sur notre chemin
Pierres
Ignorées
Piétinées
Détentrices pourtant
De la source
De la flamme
Du souffle de l’initiale
Promesse
Vous retrouvant
Nous nous retrouverons »
François Cheng, À l’orient de tout, Gallimard, 2005.
Comment parler de « mon monde » ?
Comment dire ce que le minéral me chuchote?
Ma longue complicité avec l’argile, poussière d’érosions et experte en métamorphoses, et mon profond sentiment d’intimité avec le minéral se trouvent partagés avec les 3 artistes et amis qui m’accompagnent dans cette exposition. Ils sont au cœur des dessins de Jean-Michel Prêt, des matières végétales et minérales de Jean-François Delorme, et des formes de vie multiples de Lena Gilkaer.
De longs et fructueux échanges nous ont permis de trouver ce point de convergence
l’Eloge du minéral. Et de la vie,
aboutissement de cette exposition. Je les remercie tous chaleureusement, ainsi que les acteurs du Centre Céramique Contemporaine de Giroussens qui m’ont fait l’honneur et la confiance de me donner « carte blanche ».
Sylviane Perret, février 2021
La minéralité était là avant tout le monde. Avec l’eau, elles ont donné la vie.
La proximité des céramistes avec elles n’est plus à dire. Les mains dans la terre, le minéral est leur complice et ils abordent ensemble la réalité de leurs créations dans une relation qui, si on ose dire, va s’enflammer jusqu’à la fusion…
Contrairement aux alchimistes avec lesquels on les a trop souvent comparés, ils n’attendent pas une transmutation, ils accueillent et exhaussent ce que les terres veulent bien leur céder.
Ces mains expertes et cet état quasi-amoureux les conduisent à des profondeurs, et leur donnent la faculté de considérer les avatars dans la solide inconstance de la roche, de témoigner de son impermanence, de mesurer la force dynamique de sa grande immobilité et d’en écouter le silence bruissant.
Sylviane Perret pioche et recueille la terre en Islande ou ailleurs et réunissant le presque incompatible, marie ces richesses à haute température pour s’approcher d’une naissance lapidaire qui avoue sa nature sauvage et vibrante, mais apaisée sous la main qui en ressent l’attraction.
Homme orchestre, Jean-François Delorme, avec bonheur, touche la terre, tourne le bois et détourne la transparence du verre. Sous sa baguette, avouant leur filiation avec les minéraux, le bois et le verre s’approchent en confidents de la terre pour une formation en trio polyphonique.
Dans une lente création instinctive, Lena Gilkaer saisit le moment où la terre manifeste sa propension à faire éclore le vivant, animal ou humain. Comme par enchantement, elle accompagne ces métamorphoses comme si elle n’y était pour rien. Avec une grande présence.
Jean-Michel Prêt a touché la terre au passé, il tente maintenant de modeler l’ombre et la lumière à l’aide d’un instrument d’écriture. Les liens qui l’attachent aux pierres et aux invraisemblables formations rocheuses pourraient tisser un sourd roman à voir, mais que personne ne lira.
Cet Eloge n’est pas naïve béatitude. Il n’existe qu’en mettant provisoirement en sourdine les indescriptibles atteintes qui menacent l’intégrité du Minéral. Et de la vie. La beauté est un antidote.
Jean-Michel Prêt, février 2021
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