5 octobre > 31 décembre 2019
(Salles 1 et 2)Rhizome
- BARBET Nathalie
- BRIOUDE Sandrine
- DELPHAUT Sylvie
- GENTY Alain
- ISKANDAR Delphine
- KURHAJEC Joseph
- MADELAINE Océane
- SEIGNEUR Coralie
- THIBAUD Laure
Après la création de N.anneau[x] en 2012, lorsque nous avons commencé à nous projeter vers un autre projet, le thème du rhizome s’est imposé à nous avec évidence. Nous pressentions qu’il serait un thème suffisamment ouvert et foisonnant pour nous inspirer et accueillir la diversité de nos expressions. Nous étions aussi curieuses de voir jusqu’où ce captivant modèle végétal et organique pouvait nous emmener en céramique.
Dans le vocabulaire botanique, le rhizome (du grec rhizôma « ce qui est enraciné ») est la tige souterraine de certaines plantes vivaces, qu’on trouve par exemple sous l’iris, le bambou, le curcuma, le chiendent, le gingembre… Cette tige souterraine doit être distinguée des racines ou des tiges feuillées aériennes de la plante.
A la fois organe de réserve et cellule de propagation, le rhizome permet la multiplication végétative de la plante, en se ramifiant de manière horizontale et fourmillante.
Il n’est que d’observer une bambouseraie ou de déterrer quelques iris pour se convaincre de la puissance plastique d’un rhizome en mouvement, qui peut susciter tour à tour fascination, répulsion ou amusement.
Dès lors, il s’agissait pour nous de s’imprégner de cette réalité très singulière et de tenter de la raconter, de lui donner forme autrement, avec notre propre matériau qu’est l’argile.
Ainsi avons-nous avancé dans notre recherche autour du rhizome, pétries du modèle végétal et du modèle philosophique, pour faire advenir et « devenir » notre proposition allégorique et artistique. Avec un questionnement qui sous-tendait notre travail : comment éviter l’écueil de l’illustration ou de l’anecdotique ? Surtout, comment être aussi libres que le rhizome lui-même ?
Au fur et à mesure des résidences de création, la réponse s’est imposée d’elle-même : la proposition céramique se devait d’être plurielle, prolixe, foisonnante, à l’image du rhizome, dans le processus comme dans le résultat.
À l’inverse de N.anneau[x], que nous avions conçu comme une sculpture monumentale vers laquelle huit énergies convergeaient, nous avons choisi de mener simultanément plusieurs projets collectifs, à géométrie variable.
Certains projets ont été adoptés par l’ensemble du collectif, d’autres ont été menés par plusieurs membres des Aluminées ou en binôme, tandis que d’autres projets ont évolué en cours de route, pour être abandonnés ou rejoindre des projets déjà existants .
Enfin, des projets personnels ont vu le jour et sont venus à leur tour dialoguer avec les projets collectifs.
Cette démarche, très empirique et intuitive, nous a permis de travailler avec une souplesse et une fluidité encore inégalées dans notre fonctionnement de collectif, en revitalisant et validant une grande qualité d’écoute et de bienveillance.
En nous donnant aussi la force et la ténacité de surmonter les difficultés inhérentes à tout projet collectif.
Concrètement, les œuvres que nous avons créées sont très différentes de nos univers habituels qui gravitent entre vaisselle et sculptures/pièces uniques. Nous avons expérimenté de nouvelles terres, de nouvelles techniques céramique et surtout, pris le parti de basculer à plusieurs reprises du côté de l’installation, qui nous semblait plus à même de raconter le rhizome.
Comme si celui-ci ne pouvait pas être contenu dans une seule sculpture, et qu’il devait sans cesse déborder du cadre, connecter des volumes les uns aux autres, dans un engendrement incessant.
Nous avons abordé cette exposition en tant que céramistes, avec des questionnements de céramistes, ayant à l’esprit et dans nos mains les possibilités et les limites de notre matériau. Pourtant, très vite, d’autres matériaux et d’autres techniques se sont imposés, pour notre plus grande joie, et sont venus dialoguer avec l’argile : le fil, la laine, le papier, les câbles, les mots, le dessin, la gravure, la peinture etc…
Le rhizome nous a permis d’oser, de jouer, d’inventer un territoire nouveau ou de « déterritorialiser » la céramique, pour reprendre une autre notion de Deleuze et Guattari.
Ainsi a pris forme cette exposition, qui, nous l’espérons, aura acquis une densité singulière, à travers notre cheminement collectif. Le processus serait pour nous aussi important que l’œuvre -ferait même œuvre-, et l’existence de ce catalogue permet d’en offrir le récit : le récit de ce rhizome qui, depuis 2016, nous fascine, nous hante, nous échappe, nous tétanise, nous épuise, nous émerveille, nous différencie et nous rassemble…
« Le multiple, il faut le faire »,
préconisaient Gilles Deleuze et Félix Guattari, avec une certaine autorité, dans l’introduction de Mille Plateaux. Eh bien, nous pouvons dire que nous avons essayé de toutes nos humbles forces, non pas pour obéir à l’injonction philosophique, mais parce que cela s’est imposé dans notre démarche de création. Ici se trouve peut-être le cadeau du rhizome, qui nous a donné ce qu’il est de plus précieux. Par le multiple, cette exposition raconte mille et un rhizomes : rhizome urbain, rhizome terrien, rhizome fragile, rhizome-nutriment, rhizome éminemment textile, rhizome qui dit la vie, la mort et l’échange, rhizome-fragment, rhizome guerrier, rhizome-animal, rhizome imaginaire …
Voilà le rhizome des Aluminées.
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