©Thomas Deschamps
Dominique Stutz
Enfant, ennuyée par les repas dominicaux à rallonge, je m’exilais dans le jardin de mes grands parents. Au pied du noisetier il y avait des terricules de vers de terre à profusion. Une terre ultra fine, que je récoltais pour modeler des petits pots et des objets que je laissais sécher à l‘air libre. Certains existent encore aujourd’hui. Ce fut le premier contact avec « la terre » : une révélation.
Depuis, cette expérience m’accompagne…
En 2000 je m’initie à la céramique à travers des cours à l’Université Populaire, puis suis l’élève de Michel Hoch céramiste pendant une dizaine d’années. Ma soif de connaissances du médium et des ses possibilités, me conduit à prendre des workshop et des masterclass (plus d’une vingtaine) en France et à l’étranger.
En 2009, j’ouvre mon atelier dans le sous-sol de notre maison familiale. La pratique de la céramique fait partie de mon quotidien en parallèle d’un exercice professionnel en milieu hospitalier en tant qu’infirmière Diplômée d’État et de cadre. L’appel de la terre se fait pressant et devient vital.
En 2014 un nouveau projet de vie se dessine, je démissionne de mon activité professionnelle et
me lance dans une vie 100% céramique…
Une année de formation professionnelle de Créateur en Arts Céramiques à l’Institut Européen des Arts Céramiques de Guebwiller (IEAC) me donnera des outils pour gagner en autonomie.
Mon champ de création s’étend de la pratique sculpturale d’abstraction organique et je réalise de l’utilitaire en porcelaine.
Pendant plus de 6 ans, je dispense des cours de céramique en tant que prestataire pour l’IEAC.
J’initie les enfants et les adultes à l’argile dans différentes structures culturelles, associatives. Je mets en place un atelier »poterie » à La Maison du Village de ma commune. Je m’implique dans des projets ACMISA pour l’Education Nationale avec les enseignants et leurs élèves, suis investie dans des médiations culturelles pour petits et grands en Centre d’Art Contemporain
Kunsthalle de Mulhouse.
En 2020 nouveau choix, nouvelle priorité, me consacrer uniquement à la pratique sculpturale céramique et à la recherche d’émaux. Les différentes activités annexes (cours, création d’utilitaire) ne me laissent plus assez de temps pour mon travail personnel.
J’expose mes sculptures dans de grands évènements céramiques, lors d’exposition d’art contemporain, dans les musées, réponds à de nombreux appels à candidature en France et à l’étranger. Les périodes de résidences d’artiste sont également des temps forts et vitaux dans ma pratique artistique.
« Dominique Stutz fomente de nouvelles espèces. Cette pratique de soin, la fomentation, est réputée pour l’application attentionnée de surfaces sur des corps, jadis cataplasme sur la chair, aujourd’hui émail sur la terre. Toujours, elle touche. D’abord vient la forme de la pièce, générée plutôt que reproduite, après consultation de documentations scientifiques. De l’imagerie de l’infiniment petit, l’artiste retient la vie sexuelle cachée des fleurs dite palynologie, les particularités anatomiques des bestioles de grand fond marin, et surtout le potentiel vertigineux du Physarum polycephalum vulgairement appelé Blob. C’est ainsi que Dominique Stutz aborde ses bols sculpturaux. Autant d’inspections des règnes qui nourrissent le façonnage de contenances d’argile, devant parfois patienter des mois avant de trouver leur peau définitive. Anis, chartreuse, jade. Car un long processus de recherche d’émaux est à l’œuvre dans le laboratoire de la céramiste. Corail, tangerine, mandarine. Sa méthode est traditionnelle et protocolaire, impliquant calculs moléculaires, cuissons et recuisson d’échantillons jusqu’à obtention de l’effet visé. Azur, turquoise, outremer. C’est à ce moment que la masse trouve son épiderme. Cerise, écarlate, sang. Plus qu’une membrane de couleurs, il s’agit d’apporter volume, structure et matière pour contribuer à une impression générale de perpétuelle mutation. Fuchsia, guimauve, framboise. Les biologistes reconnaîtront des radiolaires ou des diatomées. Citron, soleil, acide. Les autres s’émerveilleront tout simplement. Lavande, orchidée, lilas. Depuis une décennie maintenant, dans une constante hybridation, Dominique Stutz caresse ce que ne fabrique pas d’elle-même,
la nature. »
Joël Rif avril 2023