Gaëlle Boissonnard
Je m’éloigne de plus en plus du dessin figuratif pour me consacrer à des projets plus intimes. La couleur et la matière – papier, céramique, textile – sont aujourd’hui au centre de mes recherches. Je vais et viens sans cesse entre ces différents médiums, et tisse entre eux les liens qui me permettent de donner corps et sens à des installations poétiques qui reflètent mes préoccupations, bien souvent d’ordre social, voire politique.
Ainsi, Ceux qui ne sont rien, ensemble de 178 disques textiles créés à partir de déchets et rebuts, tente de rendre chair aux méprisés du pouvoir. En déclinant, à la manière d’un nuancier, la préciosité et la beauté des matières les plus pauvres, il offre une visibilité à celles et ceux que certains ont à cœur de voir disparaitre de notre paysage social.
Les Objets de soin, petites pièces réalisées en porcelaine-papier, fil de soie et rebuts textiles, évoquent la blessure et le soin, la réparation au féminin. Ils s’inscrivent dans le cadre d’une recherche plus large autour du pouvoir de création féminin, de la fertilité, de l’énergie de vie. Dans cette lignée, Fertile et Sorcières sont deux installations conçues comme des nuanciers. Elles sont composées de 90 monochromes sur papier, qui abordent pour l’une le lien entre la puissance créatrice du végétal et celle du féminin, et pour l’autre, la douceur et la douleur, et, à travers une idée de la chair, de la peau et du sang, les blessures visibles et enfouies qui ont façonné depuis des siècles l’identité féminine. Pour chacun de ces projets, un ou plusieurs matériaux s’imposent à moi en fonction de l’idée que je souhaite creuser. J’aime les mêler, sans aucune hiérarchie. Le fil de soie et le textile s’invitent ainsi dans mes peintures comme dans mes sculptures, la couleur se pose en strates sur le papier comme sur les fines peaux de porcelaine. Je me sens peintre autant que céramiste, artiste autant qu’artisane, je suis un peu tout ça. Inventeuse de fils que je tends entre la forme, la matière et le sens, la couleur et les mots, le visible et l’invisible.
